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Every one else est un travail photographique initié en 2011 avec des familles Rrom de nationalité roumaine, installées sur le site d'une usine désaffectée dans le Val -de-Marne.
Le dispositif d'insertion mis en place par la municipalité permet à ces familles de "se poser" après, pour certaines, plus de dix années passées dans l’itinérance, de campements sauvages en squat de bâtiments défoncés, les forçant ainsi à subir une sorte de nomadisme d'état. Leur altérité supposée radicale et non réversible, s'en trouvant renforcée, la boucle elle, semble bouclée... et pourtant...
Je rencontre ces familles au moment de leur installation à Choisy-le-Roi. C'est surtout Alina, jeune femme de 35 ans et mère de deux enfants, qui, malgré son quotidien compliqué, prendra le temps de me rencontrer et de devenir mon amie. Car c’est bien d'une histoire de rencontre dont il s’agit. Alina, qui, en 2011 vit depuis huit ans dans la plus grande précarité, me pose un jour cette question : "Est-ce que tu crois vraiment qu'il y a des gens qui sont fait pour vivre dans ces conditions ?" Je me questionne sur cette supposée vocation au nomadisme, étiquetée sur son dos telle une seconde peau. Grâce à elle et en passant du temps auprès de ces familles, j'accède à la réalité les incroyables clichés qui circulent à propos de ces citoyens européens, appelés les Rroms. Par exemple, il s'avère que les mariages entre tziganes et roumains sont fréquents, que beaucoup de familles sédentaires en Roumanie, subissent en France, par la force des expulsions, un nomadisme d'Etat, que le phénomène de "camp" n'est pas culturel , mais résulte de l'impossibilité d'accéder à un logement décent, le terme de bidonville serait donc plus approprié ( car renvoyant à une réalité économique complexe ) et ainsi de suite pour la mendicité, les enfants blonds...
Alina, roumaine et vivant depuis l'âge de quinze ans avec son compagnon, un tzigane, n'a jamais vécu en caravane en Roumanie, mais c'est bien la précarité liée au manque de revenus qui l'a poussé à vivre dans ces conditions.  D'intolérable, il n'y a que ce que ces personnes subissent et non ce qu'elles sont.
Simplement pouvoir se sentir à sa place, ici et là-bas, illustrant une formule d'Aimé Césaire : "Européens à part entière ou entièrement à part ?" Certaines de ces familles sont reparties en Roumanie, accompagnées dans un projet de vie par l'association qui prend en charge leur supposée intégration, d'autres, après qu'un de leur membre ait trouvé un emploi, ont pu accéder à un logement, une première en France !


En juillet 2015, Alina m'invite dans sa famille, chez sa mère en Roumanie au sein de la petite communauté tzigane et roumaine (mariage mixte oblige) de Ghilad, près de Timisoara. Un second voyage a lieu en août 2018.
Alina et sa famille, tout comme celle de son beau frère, accèdent en 2014, après plus de dix ans passés en bidonvilles sur le sol français, à un logement fixe. L'accès aux droits fondamentaux n'allant pas de soi, cette nouvelle se teinte d'extraordinaire. C'est de ce quotidien-là, exceptionnel et fragile dont je veux témoigner : de cette possibilité pour ces familles de s'inscrire autrement dans la vie d'une ville qui, hier encore, était témoin de leur pratique de la mendicité et d'un mode de vie dit marginal. Aujourd'hui, pour ceux qui n'aspirent qu'à se fondre dans la masse, l'accession au travail et ensuite au logement, leur permet de prétendre enfin à une certaine quiétude.
Jusqu'au point où, au coeur des familles, les moeurs d'hier perdent de leur dureté; les femmes sont les vraies gagnantes de ces changements. Elles étaient déjà hier, avec les enfants, les messagères de l'ouverture; elles sont en train, tout doucement d'initier au coeur de leur famille, une petite révolution!


 

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